Trois questions au Dr Cyril Lervat, oncopédiatre au Centre Oscar Lambret
L'OMS, Organisation Mondiale de la Santé, a publié début avril une étude sur les cancers de l'enfant. Depuis, l'étude a été reprise par de nombreux médias. Pour cause, la fréquence des cancers chez les enfants a été 13% plus élevée dans les années 2000 que dans les années 1980. Le Docteur Cyril Lervat, oncopédiatre dans l'unité pédiatrique, adolescents et jeunes adultes du Centre Oscar Lambret a accepté de partager avec nous un éclairage sur cette étude.
Que sont les cancers pédiatriques ?
On regroupe sous le vocable cancers pédiatriques l'ensemble des affections malignes (tumeurs solides ou hémopathies comme les leucémies) qui touchent les enfants et adolescents. Avec une particularité qui est de considérer également les tumeurs cérébrales bénignes. Ces cancers sont rares et représentent dans les pays développés environ 1% de l'ensemble des cancers. Chaque année en France, en moyenne 2 550 nouveaux sont diagnostiqués : 1750 chez les enfants de 0 à 14 ans et 800 chez les adolescents et jeunes adultes de 15 à 19 ans.
Les cancers de l'enfant les plus fréquents sont les leucémies, les tumeurs cérébrales et les lymphomes.
L'étude de l'OMS estime à 13% l'augmentation du nombre de cas de cancers de l'enfant dans le monde entre 1980 et 2000. Selon vous quelles sont les causes de cette augmentation ?
Il est important de préciser que ce pourcentage est à relativiser et ne doit pas être interprété trop rapidement comme une augmentation effective de 13% du taux réel de cancer de l'enfant.
Ce pourcentage reflète avant tout la plus grande fiabilité du recensement des cas de cancers dans les registres entre 2001 et 2010. L'étude de l'OMS s'appuie sur l'international. Entre les années 1980 et 2000, les registres se sont développés. Auparavant, certains pays n'étaient pas capables de fournir des données. Désormais, ces registres sont organisés et renseignés plus scrupuleusement.
En outre, cette augmentation du nombre de cas recensés s'explique par une meilleure détection. A partir des années 1990, la prise en charge des cancers et les méthodes de diagnostics se sont améliorées. On a assisté à des progrès majeurs : des cas méconnus auparavant, non détectés ni traités comme des cancers, sont diagnostiqués et pris en charge comme tels aujourd'hui. Cela est notamment permis grâce aux progrès techniques comme l'IRM qui offre la possibilité de diagnostic de plus en plus précis.
Selon l'étude, l'augmentation de l'incidence des cancers pédiatriques pourrait aussi être expliquée par l'influence de facteurs extérieurs, environnementaux. Qu'en pensez-vous ?
Chez l'adulte, des facteurs favorisant le développement des cancers ont été clairement identifiés comme l'alcool, le tabac… En pédiatrie, cela est moins évident, même si l'exposition à des pesticides a été incriminée dans la survenue de cas de leucémies par exemple. Le rôle d'agents environnementaux sur la survenue de cancers pédiatriques fait régulièrement l'objet d'études mais aucune donnée scientifique solide ne permet d'incriminer ces facteurs pour expliquer la majorité des cancers pédiatriques. Nous disposons uniquement d'hypothèses.
Je pense toutefois qu'il est important malgré ces craintes, de signaler la stabilité de l'incidence des cancers de l'enfant sur notre territoire depuis 2000 selon le registre national des hémopathies malignes de l'enfant et du registre national des tumeurs solides.
Non seulement mieux détectés, les cancers sont également mieux pris en charge que jadis. La survie globale à 5 ans des enfants et adolescents atteints de cancers s'est améliorée de manière très significative ces dernières années et dépasse aujourd'hui 80 %. Il y a 30 ans, ce taux était de 30% seulement. La recherche offre beaucoup d'espoir ; elle vise une meilleure connaissance des cancers afin d'améliorer la qualité de vie des patients pendant et après les traitements et d'augmenter les taux de guérison.
> En savoir plus sur la recherche sur les cancers pédiatriques au Centre Oscar Lambret